Le son du mot repose bien évidemment sur sa sonorité. Mais tout comme un instrument peut être utilisé de façons
diverses : à contre courant, à l’extrême, en finesse, en force, de même le son du mot peut être mystifié, saturé, feutré,
exagéré ou amoindri.Il s'agit là d'utiliser toutes les nuances de ses consonnes et tous les dégradés de ses voyelles afin
d'en extraire leurs résonances, leurs dissonances, leurs harmoniques.
Dans ce cas, il faudra lire à voix haute, lire et relire afin d'entendre.
Entendre quoi ?
Le bruit du texte.
On entend bien le bruit de la mer, le bruit du vent, le bruit d'un avion, hé bien là, c'est pareil, sauf que ce sont les écrits :
On entend donc le bruit des mots.
Regardons (lisons) quelques phrases ou vers dans leur ensemble et leur structure.
"Dans la prose libre des rimes" : ( Extrait de "brouille âge")
Ton âge te cache ta cage
Visage en dérapage
Quand le virage
Vire
Rage d'un âge en cage
Qui crache, décroche
Dérape
Des rats
Rampent sur l'âge qui râpe,
Virage en dérapage
Quand le visage cache
L'âge de ta case.
Si vous lisez et relisez plusieurs fois le texte, vous devez (petit à petit) commencer à sentir votre respiration s'interroger .
Où, quand et comment dois-je respirer ? En fait je m'étouffe !
Mais que se passe-t-il ?
Le son a pris le dessus sur le rythme et nous sommes emportés par la résonance, par une espèce d'écho, d'amplification
qui déstabilisent le rythme.
La cadence devient aléatoire.
Elle échappe à tout contrôle.
Et les mots se cassent la gueule. (Oups!)
